Les 9 médecins de la MSP Pezenas-Tourbes seront à nouveau en grève à compter du 13 octobre pour une durée illimitée à l’appel de tous les syndicats de médecins libéraux (spécialistes d’organes et spécialistes en médecine générale).
Manifestement, les dernières grèves des 9 derniers mois n’ont pas découragé notre gouvernement et la CNAM de mettre mal la médecine libérale.
Suite à l’échec des négociations conventionnelles qui fixent les règles d’exercice des praticiens conventionnés, nous sommes passés sous le régime du règlement arbitral qui a décidé d’une augmentation de la consultation de médecine générale de 1,5€. Cette augmentation est largement insuffisante au vu de l’inflation et des investissements nécessaires pour faire face à la baisse de la démographie médicale et à l’augmentation de la démographie des plus de 75 ans et des personnes porteuses de maladies chroniques.
Nos entreprises doivent aussi comme vous tous affronter l’inflation, le défit climatique et s’inquiéter en plus des conséquences sur la santé de ces transformations.
Le revenu des médecins libéraux a baissé de 7% en 2022. Nos salariés comme vous subissent l’augmentation du coût de la vie et méritent une revalorisation de leur salaire. Nos locaux doivent être entretenus pour vous accueillir dignement en particulier pour ceux d’entre vous porteurs de handicap.
L’épée de Damoclès du départ à la retraite sans successeur de médecins généralistes du territoire pèse aussi sur la demande de soins. Vous êtes tous les jours nombreux à appeler pour trouver un médecin traitant et nous faisons au mieux pour répondre à la demande.
Mais les journées n’ont que 24h. Nous travaillons déjà en moyenne 55h par semaine. Augmenter le temps de travail pour répondre à la demande et compenser la baisse de notre revenu a des limites. 50% des médecins disent présenter des signes de burn-out (LA SANTÉ DES MÉDECINS : UN ENJEU MAJEUR DE SANTÉ PUBLIQUE, article du Figaro sur la qualité des soins et état psychologique des médecins). Le taux de suicide des médecins est 2,3 fois supérieur à la moyenne nationale.
Alors comment résoudre cette équation infernale ?
Nous avons fait des propositions via nos syndicats et différents collectifs (voir l’article de décembre 2022) mais les gouvernants sont restés sourds et certains députés ont même fait voter des lois imposant ce que nous avions refusé dans les négociations conventionnelles (voir article Grève du 14 février). Une de ces lois sera discutée au sénat ce vendredi 13 octobre (lettre envoyée aux sénateurs contre la loi Valletoux, voir aussi mon billet d’humeur de juin dernier), c’est dire le manque de respect et d’écoute qui nous sont accordés.
Une vaste campagne menée par le gouvernement contre les médecins qui prescrivent trop d’arrêts de travail s’est tenue à grand renfort de presse alors qu’en réalité le nombre d’arrêt de travail a baissé depuis début 2023 (source CNAM-DSES). Est-ce une manœuvre pour nous tenir responsables de tous les maux du système de santé ?
Tout devrait reposer sur notre vocation, mais celle-ci est mise à mal. Comme vous, nous voulons gagner dignement notre vie en fonction de notre niveau d’étude et des responsabilités que nous portons. Comme vous, nous voulons aussi pouvoir un peu profiter de notre famille, avoir un peu de temps pour les loisirs et ne pas finir en burn out. Est-ce indécent ?
La génération avant moi et celle d’avant (j’ai la quarantaine), essentiellement masculine, travaillait nuit et jour, week-end compris, comptait parmi les notables, gagnait très bien sa vie, soignait essentiellement des pathologies aigües et leur épouse au domicile s’occupait des enfants et de tout le reste. Quand j’étais étudiante, déjà ils nous disaient : « ne fait pas comme nous, nous n’avons pas vu grandir nos enfants ». Ma génération de médecins s’est largement féminisée et dans l’immense majorité des cas, les femmes portent encore la majorité de la charge mentale du foyer (comme dans le reste de la société). Les 35h des salariés ne nous laissent pas non plus indifférents et, comme nos concitoyens, nous aspirons à un meilleur équilibre vie pro-vie perso. Les pathologies sont plus souvent chroniques et les situations cliniques de plus en plus complexes. Le vieillissement de la population et la crise sociale, nous les subissons aussi dans les prises en soin des patients. La génération de médecins qui arrive est encore plus sensible à tous ces arguments. Le salariat est d’ailleurs souvent plus attractif, offrant une garantie de ce meilleur équilibre de vie.
Alors pourquoi ne pas salarier les médecins généralistes ? Ce serait alors un véritable choix de société. Pour voir le même nombre de patients, il faut 3 médecins salariés pour 1 libéral (on travaille beaucoup, je l’ai déjà dit). Le prix moyen d’une consultation en centre de santé est de 60 à 70€ contre 26,5€ en libéral (mais c’est insuffisant). Pour avoir la même qualité de soin, il faudrait donc investir beaucoup dans les soins primaires et ce n’est pas ce qui se dessine avec un projet de loi de financement de la sécurité sociale en baisse compte tenu de l’inflation.
Alors, on fait quoi ? On laisse se paupériser le système conventionnel comme au Royaume Uni, tout le monde aura un accès aux soins mais avec de longs délais et une réelle perte de chance. Les médecins dégoutés de devenir maltraitants et de mal soigner s’installeront hors convention mais non remboursés (ou remboursés par des assurances santé qui se frotteront les mains). Parce que les soignants souffrent de ne pas vous soigner correctement (voir la lettre ouverte de 1193 soignants) et pour ne plus souffrir, ils quittent l’hôpital, ils quittent le système conventionnel.
Défendons ensemble notre système de soin. Redonnons aux soins primaires les moyens de vous soigner.
Nous vous donnons RDV vendredi 13 octobre à partir de 12h devant la CPAM de Montpellier pour manifester ensemble notre attachement à notre système de soin.
Dr Laure FERRIERES, Dr Elise DELESPIERRE, Dr Stéphane KARA, Dr Karim DUBOIS, Dr Marion SIMMET, Dr Pierre LAURES

Malgré la gêne que cela peut occasionner, soutien total à votre action.
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